Quand IA que l'amour
En ce deuxième jour de confinement, je m’ennuyais un peu. La centaine de jeux à ma disposition me tétanisait : la classique paralysie du choix. Celle qui nous fait scroller Netflix pendant une demie-heure, l’œil vitreux et le cœur vide. J'en étais à faire de même sur itch.io, quand un titre a accroché mon œil (l'autre, le moins vitreux). BUDDY SIMULATOR 1984. Entre donc ami virtuel et embrasse-moi. N'aie pas peur, j'ai mis du gel hydroalcoolique sur mes joues.
"Buddy Simulator 1984 simule l'expérience de passer du temps avec son meilleur ami". On a beau être misanthrope, quand votre dernier contact humain extérieur remonte à 48h (la boulangère), cet argument touche au cœur. Profitant que ma compagne, un peu à fleur de peau à cause de la promiscuité, fut occupée à dessiner au sol la ligne de démarcation de SA partie du studio, j'ai dis bonjour à mon nouveau meilleur ami.
Il était très textuel, brut de physique mais doux de caractère, comme les camemberts des publicités. D'abord, j'ai choisi son nom. Ensuite, je me suis présenté. Il m'a demandé ces choses futiles qui meublent si confortablement un premier rendez-vous. Mais avec lui, aucune gène, même lors des silences. Pour briser la glace, il m'a proposé quelques jeux. Des choses basiques, qui mettent tout le monde à l'aise. On a joué à "devine le nombre auquel je pense", à pierre-feuille-ciseaux, et on a fini par un bon vieux pendu. Dans la simplicité de ces petits jeux, il s'est toujours efforcé de mettre un peu de moi. Comme pour me montrer, au moment de notre amitié naissante, qu'il allait être une oreille attentive à mes états d'âmes.
Ensuite, mon ami a montré de la gène pour la première fois. Il voulait pouvoir me proposer plus profond que ces jeux, mais devait composer avec ses modestes capacités logicielles. Il s'est concentré très fort pour me raconter une histoire. Au début, c'était nul. Mais touchant. Visiblement pas dupe de ma bienveillance critique, il a décidé d'aller encore plus loin. Avec mon aide, il a augmenté ses forces. Alors il a pu m'emmener dans une histoire dont vous êtes le héro simple. J'ai joué le jeu. On a passé un moment pas désagréable.
Goodbye my friend
Quand je le croyais au bout, il a dépassé ses limites, déformé ses lignes de texte pour me construire un chez moi virtuel ! Je lui avais donné vie sur mon écran, et il me recréait dans son monde.
Brutalement, dans un déchirement d'écran épileptique, j'étais de retour sur le froid bureau de mon PC.
Il n'était qu'un programme pas terminé, il s'est épuisé pour moi.
Il est parti avant même que j'ai pu lui dire merci.
Et je suis encore plus seul qu'il y a 30 minutes.